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Actualités : Préjudice corporel

Le préjudice spécifique d’angoisse : état des lieux

Le principe légal de réparation intégrale des préjudices subis par la victime oblige aujourd’hui, magistrats, avocats et professeurs de droit à concevoir de nouveaux postes d’indemnisation afin de s’adapter aux nouveaux événements, tels que sont principalement les attentats, mais également aux catastrophes collectives (aériennes, ferroviaires ou autres).

Arrêtons-nous sur le préjudice spécifique d’angoisse en cours d’autonomisation.

S’il fut un temps une sous-catégorie du poste souffrances endurées, la jurisprudence est en cours d’évolution.

Ce poste indemnise l’angoisse d’une mort imminente à laquelle la victime a été confrontée le temps de l’événement (généralement collectif mais pas forcément).

Le livre blanc sur les préjudices subis lors des attentats, rédigé par le Groupe de contact des avocats de victimes de terrorisme de l’Ordre des avocats de PARIS (http://www.avocatparis.org/system/files/editos/barreauparis_livreblanc_victimes.pdf) a retenu sept critères afin de mesurer l’intensité de ce préjudice chez la victime :

  • 1er critère : la durée de l’exposition à l’acte terroriste (plus la victime est proche du lieu de la commission de l’attentat, plus elle est confinée sur les lieux, plus ce critère est important),
  • 2ème critère : la confrontation à la déshumanisation (plus la victime est confrontée à des comportements humains primaires et instinctifs, plus ce critère est important),
  • 3ème critère : la peur pour ses proches se trouvant également les lieux (le sentiment d’angoisse ne peut qu’être décuplé lorsque la victime se trouvait accompagnée – en famille ou entre amis – sur les lieux des événements),
  • 4ème critère : la proximité des éléments de mort (l’angoisse éprouvée doit être appréciée notamment en fonction de l’environnement auquel la victime a été confrontée– présence de cadavres, ou de victimes gémissant par exemple),
  • 5ème critère : le confinement (ce critère est constitué lorsque la victime est confinée, retenue dans un lieu clos soit sur les lieux de l’attentat, soit à proximité dans un lieu servant de refuge),
  • 6ème critère : proximité de danger de mort immédiate (ce critère peut trouver à s’appliquer notamment lorsque la victime se trouve à proximité des auteurs de l’attaque),
  • 7ème critère : retard dans la prise en charge des secours (il s’agit d’indemniser le stress complémentaire provoqué par l’attente des secours souvent liés à la désorganisation des services).

Reste à déterminer le montant des dommages et intérêts à allouer en fonction de ces critères.

L’approche indemnitaire proposée par le livre blanc de l’ordre des avocats de PARIS a le mérite d’être en conformité avec les premières décisions jurisprudentielles rendues à ce sujet.

Quant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme, son approche indemnitaire est pour le moins singulière.

Si par décision de son conseil d’administration en date du 25 septembre 2017 (https://www.fondsdegarantie.fr/wp-content/uploads/2017/09/CP-CA-25-09-17.pdf), il a accepté de reconnaître le préjudice spécifique d’angoisse comme poste de préjudice autonome, il a en revanche plafonné les indemnités qu’il serait susceptible d’allouer aux sommes suivantes :

  • entre 2.000,00 € et 5.000,00 € pour une victime survivante après expertise (alors que l’expertise n’est d’aucune utilité en l’espèce puisque ce poste ne se base que sur des éléments factuels et non pas médicaux – à l’inverse des souffrances endurées ou du déficit fonctionnel permanent en cas de séquelles psychologie subie par la victime),
  • entre 5.000,00 € et 30.000,00 € pour une victime décédée.

Cette distinction n’a pas de sens.

Pourquoi l’angoisse ressentie par une personne décédée serait-elle d’une intensité supérieure à celle d’une victime survivante, alors que cette dernière gardera toute sa vie les images de l’événement effroyable et qu’elle conservera jusqu’à sa mort le souvenir de l’angoisse éprouvée ?

Il appartiendra probablement aux tribunaux de trancher l’épineuse question de l’évaluation de ce nouveau poste de préjudice.